30 janv. 2009

68 - Une certaine représentation de la gestion documentaire

Vous vous en doutez certainement, j’ai un intérêt particulier pour la perception qu’on peut avoir du métier que je pratique depuis 1975 dans les livres que je lis ainsi que dans les films que je visionne.

Pendant le congé des fêtes 2008, j’ai revu avec grand plaisir le film Erin Brockovich seule contre tous réalisé en 2000 par Steven Soderberg et mettant en vedette la pétillante Julia Roberts : Erin Brockovich élève seule ses trois enfants. Étant au chômage, elle cherche désespérément du travail, mais ses choix vestimentaires ne l'avantagent pas dans ses démarches. Elle réussit néanmoins à se faire embaucher dans un petit cabinet d'avocat, celui-là même qui ne lui a pas obtenu de dédommagements suite à un accident de la circulation.

Pour celles et ceux qui ont vu le film, vous vous rappellerez certainement cette scène où Erin Brockovich est accueillie par la responsable des services administratifs de son nouvel employeur qui lui décrit ainsi le contexte de son embauche (je l’avais reproduit en introduction de mon livre portant sur L’essentiel de la gestion documentaire publié en 2004) :

La responsable des services administratifs :
« Ici, c’qu’on fait, c’est qu’on classe tous les dossiers. Tous jusqu’au dernier. Comme ça, on peut les retrouver immédiatement et en connaître le contenu. Et s’ils ne sont pas ici, ils sont dans un bureau quelconque. Tout ce qui est dans ce classeur est toujours par ordre alphabétique. »

Erin Brockovich :
« Ah oui! C’est logique! »

Ce court dialogue, je l’ai souvent entendu dans bien des organisations. Il résume à lui seul une partie de la problématique de la gestion documentaire : classer les documents dans le but de les retrouver rapidement pour en consulter le contenu. Mais gérer les documents d’une organisation, c’est aussi planifier leur durée de conservation et déterminer à l’avance leur sort final (à éliminer ou à conserver en permanence comme documents d’archives). Quiconque se contente d’identifier les dossiers de façon aléatoire et de classer le tout par ordre alphabétique ne sera jamais en mesure d’assurer la gestion complète de ses documents administratifs.

En fait, le problème ne réside pas tellement dans le classement alphabétique : il est facile et « logique » de classer des items de A à Z. Il l’est davantage dans la façon d’identifier les dossiers. Une personne créera facilement plus d’un dossier portant sur un même thème en les identifiant avec des titres différents. Imaginez maintenant un ensemble d’individus : « formation du personnel », « développement des ressources humaines » et « perfectionnement des employés » peuvent identifier autant de chemises de classement correspondant à un dossier « unique ». Une fois classés par ordre alphabétique, ces contenants seront répartis dans les tiroirs de classeur de la lettre « D » à la lettre « P ». Quand viendra le moment d’appliquer les règles de conservation et d’élimination des documents qui, comme on le verra dans cet ouvrage, ne peuvent être établies que sur la base des fonctions et des activités de l’organisation, BONNE CHANCE!

Si Steven Soderbergh avait consulté un spécialiste de la gestion documentaire lors de la préparation de son scénario, le dialogue de cette scène aurait été davantage le suivant :

La responsable des services administratifs :
« Ici, c’qu’on fait, c’est qu’on classe et on décrit tous les dossiers. Tous jusqu’au dernier. Comme ça, on peut les retrouver immédiatement et en connaître le contenu. Et s’ils ne sont pas ici, le système nous indique dans quel bureau ils sont conservés. Tout ce qui est dans ce classeur est classé selon notre schéma de classification et on ne peut rien détruire sans respecter nos règles internes de conservation et d’élimination de documents. »

Et Erin Brockovich aurait bel et bien pu répondre :
« Ah oui! C’est logique! »

On ne peut pas en vouloir aux réalisateurs de films de ne pas consulter les spécialistes de tous les métiers. Mais admettez avec moi que cette scène constituait un bon prétexte pour mettre les points sur les « i ».

Michel Roberge

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