Dans le billet précédent, je m’insurgeais contre certaines déclarations à l'emporte-pièce d’un blogueur soi-disant spécialiste en GÉD (Gestion Électronique de Documents) sur la valeur juridique des images numériques issues du transfert de support de documents en format papier. Je récidive pour vous faire partager encore une fois de ses talents d’improvisateur humoriste. Attachez bien votre ceinture : c’est un départ :
« … il faut différencier la gestion documentaire de la gestion électronique » [Ça commence bien].
« Plusieurs firmes s’identifient comme faisant de la GED alors qu’en fait, ils [sic] fournissent un logiciel électronique [Je ne savais pas qu’il y avait des logiciels non électroniques!] pour effectuer votre gestion documentaire. Le logiciel est alors un genre de bible [Un genre de bible…!] sur lequel nous pouvons effectuer toutes sortes de recherches par mots pour ainsi savoir où se situe le document en questions [sic] dans nos archives [Énoncé de cette manière, il me semble qu'un GPS serait plus utile], tel le fonctionnement d’une bibliothèque municipale [Ah bon! Si vous le dites.] ».
Toujours selon l’auteur qui partage ses connaissances, son expertise et certainement son savoir-faire, saviez-vous que la GÉD « apporte un changement majeur à la gestion documentaire » ? Car « on ne conserve plus les documents physiquement. Ils sont numérisés, indexés le plus précisément possible et par la suite, respectant certaines normes de sécurité et d’accès à l’information [Mais qu’est-ce que l’accès à l’information a à voir avec la destruction des documents?], ils peuvent être complètement détruits » [Pour être aussi catégorique, il doit être certain de son coup. Mais dans ce concept de GÉD, qu'en est-il des autres fichiers informatiques et des courriels? Oups, petit oubli!].
Et ça continue : la GÉD a pour avantages l’ « économie d’espace » [il y tient vraiment, voir billet 122], la « centralisation des informations à partager », l’« économie de temps », la « sécurité de conservation » et le « droit d’accès précis » [Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire?]. Des exemples :
« N’ayant plus à conserver les documents [Il est certain que la GÉD = destruction des documents!], on ne paye plus l’espace dédié à cette tâche [Cette tâche? Quelle tâche?]. Certaines organisations louent des locaux ou des voutes [sic] principalement pour leur [sic] archives. D’autres pourront agrandir leurs locaux par l’intérieur [Comment peut-on agrandir des locaux par l’intérieur? J’y ai songé toute la nuit dernière et je n’ai toujours pas trouvé de réponse à cette question].
Évidemment, vous aurez deviné que les « documents ne sont plus soit [sic] éparpillés dans plusieurs lieux physiques ou même dans plusieurs fichiers et sous fichiers [Hein! Des documents peuvent être éparpillés dans plusieurs fichiers? Dans plusieurs sous-fichiers? Je ne suis pas très fort en informatique, mais là il y a quelque chose qui m’échappe!] sous une arborescence Windows [Faut-il comprendre que la GÉD ne peut pas s’appliquer sous une arborescence Linux ou Mac OS!].
Pas de problème, un « bon logiciel d’archivage [En effet, il vaut mieux en choisir un bon, car qu’est-ce que ça serait s’il était mauvais?] agira comme une grosse bibliothèque virtuelle [Grosse comment? Comme la Library of Congress ou la Bibliothèque Gabrielle-Roy de Québec?] et sera accessible de n’importe quel ordinateur dans le monde [Et voilà, la solution technologique qui règle tout!].
Ne vous en faites pas, il n’y a aucune pensée magique dans ces judicieux conseils : « Étant centralisés dans un logiciel d’archivage [Si je comprends bien, tous les documents sont centralisés dans le logiciel d’archivage!], on ne perd plus de temps à rechercher nos documents dans des classeurs ou des boîtes. On tape le mot clef et en quelques secondes [Ça m’apparaît un peu long "quelques secondes"], on trouve l’information désirée, tel le moteur de recherche Google » [Bonne chance : dans Google, on trouve à peu près n’importe quoi. Par exemple, tapez-y GÉD et vous obtiendrez un minimum de 20 000 000 de réponses].
L’énoncé suivant est un petit bijou : « Vos informations sont à l’abrie [sic] de tous sinistres, vols, bris, ou vieillissement [C’est vrai que les documents électroniques sont des objets éternels]. Si votre matériel informatique est endommagé, on peut restaurer vos données de n’importe quel ordinateur la journée même [Quelle efficacité, ça me rassure!].
« Finalement [Oui, il est temps d’en finir], on peut donner des droits d’accès aux usagers comme bon nous semble [On a tout avantage à être copain copain avec l’administrateur du système!].
Après avoir mélangé les pommes et les oranges (« la GED permet de classer à peu près tout : photos, documents, pdf, word, etc,… ») [Faut-il comprendre qu’il y a des documents et d’autres objets tels que des photos, des pdf et des word qui n’en sont pas?], notre spécialiste en herbe redevient sérieux : « Il s’agit par contre [dit-il] de bien s’informer lors de l’achat d’une telle solution. Ne connaissant pas le domaine [Qui du client ou du consultant?] qui est de plus en plus compétitif [Pour être compétitif, le domaine est compétitif! Mais ça veut dire quoi « le domaine est de plus en plus compétitif »?], il est facile de trop dépenser [Ça serait quoi trop dépenser?] pour une solution qui n’est pas tout à fait adaptée à nos besoins [Maintenant, je comprends mieux, c’est à ses besoins qu’il pense]. « De plus, il faut considérer la simplicité du logiciel [KISS : Keep It Short and Simple, n’est-ce pas?] et gérer les réticences aux changements reliés à la gestion de flux de travail [J’imagine qu’en bon francophile, il est question ici de « workflow », mot clé qui paraît bien dans la conversation consultant-client. Mais avouez que ce petit bout de phrase demanderait un peu plus d’explication : la cause des réticences au changement serait la gestion des flux de travaux?] pour rendre l’investissement [autre mot clé qui a de l’impact dans un argumentaire] le plus rentable possible [argument ultime].
Admettez avec moi que le billet de ce pauvre blogueur illustre à quel point il y a de ces pseudo spécialistes qui s’immiscent trop souvent dans notre métier. On peut peut-être en rire, mais attention : certaines organisations prendront malheureusement un risque non calculé en appuyant leur choix de conseillers en gestion documentaire sur de tels propos. Je crois fermement qu’il faut dénoncer l’intrusion de ces peddleurs [québécisme : marchands ambulants qui voyagent d’un village à l’autre - expression aussi utilisée en Acadie] de services qui véhiculent des messages aussi fallacieux, voire dangereux. La gestion des documents administratifs et des documents d'archives permanentes est un système trop important dans une organisation pour qu’elle soit abordée de façon aussi empreinte d’amateurisme et d’opportunisme.
Michel Roberge
1 commentaire:
Bonjour Monsieur Roberge,
Je reconnais là, même teinté d'humour, votre rigueur intellectuelle que je respecte beaucoup.
Je suis d'accord avec vous à l'effet qu'il faut être prudent quand on nous parle de services de GD, GED, GID...
Félicitations pour cette rigueur et j'ai particulièrement hâte de lire votre volume sur le sujet, comme j'ai d'ailleurs "dévoré" vos publications précédentes.
Dany Ouellet, archiviste
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