9 sept. 2010

305 - La gestion du cycle de vie des registres d’entrées et de sorties

Définitivement, la Commission d’enquête sur le processus de la nomination des juges du Québec (Commission Bastarache) soulève indirectement des questions de gestion documentaire. Dans un extrait du reportage du journaliste Alain Gravel (émission Enquêtes) diffusé pendant le Téléjournal de la Société Radio-Canada, on apprend qu’une demande d’accès aux registres d’entrée et de sorties au cabinet du premier ministre aurait empêché la destruction de ces documents au cours de l’été qui s’achève. Ces documents permettraient de vérifier qui, quand, avec qui et combien de fois certaines personnes citées lors des audiences de la Commission ont effectivement eu des rencontres au bureau du premier ministre. Selon le journaliste, les autorités du ministère auraient affirmé que ces documents étaient détruits après cinq ans selon les politiques établies.

Il est plutôt surprenant d’apprendre qu’à la suite d’une demande d’accès, la destruction des documents demandés a été suspendue. Peut-être qu’il s’agit là d’une pratique courante, mais il me semble que cela va à l’encontre des dispositions de la Loi sur les archives et du Règlement sur le calendrier de conservation… qui en découle.

Questions :

1. Cette série documentaire, propriété du Ministère de la Sécurité publique de par sa fonction d’assurer la sécurité des édifices gouvernementaux, possède-t-elle une règle de conservation officielle inscrite au calendrier de conservation adopté par les autorités du ministère et approuvé par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)?

2. Si oui, quelle est la règle de conservation officielle : durée de vie totale de cinq ans? Personnellement ça me semble court étant donné que ces informations ont une haute valeur sur la gestion de la sécurité et les possibilités d’enquêtes rétrospectives sur des événements qui pourraient s’être déroulés dans les locaux d’un organisme.

La vérification peut d’ailleurs se faire pour confirmer l’information reçue en demandant au ministère concerné de produire une copie officielle de la règle de conservation approuvée. Ou, faire la même demande à BAnQ qui conserve un exemplaire de chacun des calendriers de conservation approuvés en vertu de la Loi sur les archives. Les calendriers de conservation sont des documents publics et il ne devrait pas y a voir d’entrave à leur consultation.

S’il n’existe pas de règle de conservation précise ou si elle ne correspond pas à l’échéance de destruction fournie au journaliste, il y a là un sérieux problème.

3. Si la règle conservation stipule que ces documents doivent être détruits après cinq ans d’âge, comment expliquer que des documents de 2003 étaient sur le point d’être détruits à l’été 2010, quelques mois avant le début des travaux de la commission d’enquête?


Tout cela démontre l’importance que soient intégrées dans un système de gestion des documents toutes les séries documentaires d’un organisme, approche privilégiée au Québec depuis 1983, année d’adoption de la Loi sur les archives. Ce n’est pas le cas, par exemple, en France, où on semble laisser le choix aux organisations d’intégrer seulement les séries documentaires importantes (voir à ce sujet l’article Comprendre et pratiquer le records management Analyse de la norme ISO 15489 au regard des pratiques archivistiques françaises produit par le Groupe métiers AAF-ADBS « Records management »). Il n’est pas évident de déterminer ce qui peut ou ne peut pas être important, voire essentiel à conserver et d’en assurer ou non la gestion officialisée du cycle de vie et du sort final.

Admettez qu’à la lumière de ce bulletin de nouvelles il s’agit là d’une question métier qui a toute son importance.

Michel Roberge

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