30 mars 2012

535 – Refonte de la Loi sur les archives du Québec : quelques suggestions

Au Congrès 2012 de l’Association des archivistes du Québec (AAQ), Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) présentera, entre autres, « Les travaux sur le refonte de la Loi sur les archives ». Je ne suis pas dans le secret des dieux, ce qui me donne entière liberté pour exprimer mon point de vue sur une des lois qui encadrent mes interventions professionnelles auprès des organismes publics québécois. Grosso modo, voici neuf suggestions :

1. Dénomination de la loi : La Loi sur les archives qui date de 1983, à l’époque où le papier régnait en maître, devrait être remplacée par une Loi sur la gouvernance des documents (d’activité) des organismes publics. D’entrée de jeu, elle devrait mettre en évidence son application dans un contexte de gestion intégrée des documents (GID) en format papier et technologiques.

2. Gestion du cycle de vie : Dans le contexte d’hybridité des supports d’information, on devrait en profiter pour remettre en question la théorie des trois âges : remplacer les concepts de documents actifs et semi-actifs par la notion d’utilité à des fins de management, légales ou de mission (domaines d'affaires) comme prémisses à leur durée de vie.

3. Politique gouvernementale : Conséquemment, les anciennes politiques de gestion des documents actifs et semi-actifs applicables aux ministères et organismes du gouvernement québécois devraient être remplacées par une Politique gouvernementale de gestion intégrée des documents (GID). Celle-ci devrait couvrir l’ensemble du cycle de vie des documents depuis leur création ou leur réception, leur utilisation pour la réalisation des activités qu’ils documentent et leur disposition (sort final). De plus, elle devrait confirmer l’obligation d’appliquer un schéma de classification organisationnelle pour structurer l’ensemble des séries documentaires et des règles de conservation officielles. Dans un contexte de gestion des risques, la politique devrait aussi obliger les organismes visés à identifier leurs séries de documents essentiels et à les protéger en cas de sinistres. Ceux-ci devraient également être dans l’obligation d’identifier les ensembles documentaires qui contiennent des renseignements personnels, des informations sensibles ou confidentielles.

4. Champ d’application : La nouvelle loi devrait être très explicite quant aux personnes et aux parties prenantes visée par son application : le personnel régulier de l’organisme, le personnel temporaire, les bénévoles, les firmes externes de consultation, d’ingénierie, de mandataires… qui créent ou reçoivent, conservent et utilisent des documents en lien avec les activités qu’ils doivent accomplir dans ou à l’extérieur de l’organisme. Il serait aussi important de statuer sur l’applicabilité des systèmes de classification et de conservation, y compris d’accès aux documents, particulièrement chez des prestataires externes de services.

5. Calendrier de conservation : La nouvelle loi devrait définir un nouveau processus pour l’officialisation des calendriers de conservation des organismes publics. Elle devrait mettre en place un mécanisme et des outils de partage de l’ensemble des règles de conservation acceptées par BAnQ (données accumulées à ce jour et non accessibles, sinon en partie dans les recueils sectoriels de règles de conservation. Cette approche innovatrice simplifierait les démarches des milliers d’organismes publics pour constituer la liste des règles à appliquer qui n’auraient désormais qu’à se référer à cette base de connaissance. Ce qui réduirait à la fois les efforts et les coûts exigés à ce jour pour constituer des calendriers de conservation qui, somme toute, sont plus que comparables, particulièrement en ce qui a trait aux documents de gestion interne.

6. Infonuagique : La nouvelle loi devrait encadrer la nouvelle problématique de la conservation, par des tiers hébergeurs, d’information à l’extérieur du Québec et du Canada, particulièrement aux droits de propriété des documents et aux mesures de protection de la confidentialité dans un contexte légal et réglementaire étranger.

7. Sécurité des documents : La nouvelle loi devrait inclure des règles concernant le vol ou la diffusion externe non autorisée de documents (fuites d'informations) appartenant aux organismes par le personnel régulier ou temporaire avec amendes en cas de non respect des obligations.

8. Documents d’archives : La nouvelle loi devrait abolir l’expression « documents inactifs » pour intégrer celle utilisée dans les Règles de description des documents d’archives (RDDA) : « documents d’archives » de conservation perpétuelle. Il s’ensuivrait donc la rédaction d’une nouvelle Politique de gestion des documents d’archives des organismes publics.

9. Archives privées : Pour ce qui est de la gestion des documents d’archives privées (autres que les documents publics), des amendements devraient être apportés à la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel qui inclut déjà les archives dans la définition de « document patrimonial » pour y intégrer les responsabilités des propriétaires de documents et de BAnQ.

Michel Roberge

Aucun commentaire: