6 déc. 2012

646 – Un plan de gouvernance comme préalable à l’accès à l’information numérique gouvernementale

Le Québec, selon les paramètres de l’OCDE, est très en retard sur les sociétés modernes quant à la diffusion de l’information numérique gouvernementale. Il l’est probablement aussi quant à sa gestion. Bien sûr, depuis 1982, l’État s’est doté de lois sur l’accès aux documents et la protection des renseignements personnels, sur les archives, sur le cadre juridique des technologies de l’information, sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement. Ce à quoi s’ajoute un certain nombre de politiques, de directives gouvernementales et sectorielles.

Un nouveau Directeur principal de l’information (DPI) a été récemment nommé. Relevant du ministère du Conseil du Trésor, il est « chargé de mettre en œuvre les politiques et les directives, d’en surveiller l’application et d’en coordonner l’exécution ». Par la même occasion, l’organisme dont il relève s’est vu attribuer divers pouvoirs et responsabilités, dont celui de « formuler des directives et la responsabilité d’élaborer et de proposer au gouvernement des politiques en matière de gouvernance et de gestion des ressources informationnelles au sein des organismes publics ». Ce qui est un peu aberrant, c’est que la même personne dirige aussi le « Centre de services partagés du Québec [qui], sur recommandation du dirigeant principal de l’information et aux conditions que le Conseil du trésor détermine, la réalisation, en tout ou en partie, d’un projet d’un organisme public en matière de ressources informationnelles ».

Quelques idées en vrac

·         Je suis d’avis, comme certaines personnes l’ont déjà souligné dernièrement, que le poste de DPI (qu’on pourrait aussi appeler Infomestre gouvernemental) devrait plutôt relever de l’Assemblée nationale du Québec,  comme c’est le cas du Vérificateur général, du Protecteur du citoyen, du Directeur général des élections. À l’abri de toute ingérence politique, ne serait-t-il pas en meilleure position pour planifier et coordonner les actions menant à une exploitabilité maximale de l’information numérique par les citoyens? Sans égard aux humeurs ministérielles et des sociétés d’État qui ont souvent la perception d’être différente les uns des autres.

·         Si on souhaite donner accès au maximum d’information numérique accessible tout en protégeant les renseignements personnels, qu’est-ce qu’on attend pour doter l’administration gouvernementale d’une politique globale de gestion de l’information (en lieu et place des vieilles politiques de gestion des documents actifs et semi-actifs). L’information numérique, oui. Mais aussi celle qui est encore et peut-être pour un certain temps, disponible sur papier. On devrait définir les critères de transformation prioritaire en images numériques des documents en format papier devant être aussi diffusés sous forme électronique.

·         Pour donner accès à de l’information, il faut en connaître l’existence et être en mesure de la repérer. Les normes internationales en la matière l’affirment. Un plan de gouvernance de l’information devrait permettre d’unifier les pratiques d’identification, d’enregistrement, de structuration, de sécurisation et de diffusion des documents publics.

·         En dotant l’appareil gouvernemental d’une structure d’information uniforme, il serait alors possible d’identifier l’ensemble des données et des documents à rendre accessible sur le Web. À ce que je sache, on y a jamais travaillé. Actuellement, chaque ministère, chaque société d’État fait à sa manière. C’est le sacro-saint principe de l’autonomie organisationnel. Mais on a affaire à un seul État. Il faudrait faire éclater ce modèle vieux des années 70. Chaque organisation a développé et tente de tenir à jour son propre schéma de classification contenant à peu près de 80% de contenu récurrent non uniformisé. Il faut aussi se rappeler qu’au lendemain de chaque scrutin et selon le bon vouloir des premiers ministres, chaque restructuration ministérielle affecte nécessairement la structure informationnelle gouvernementale qui devrait être stable. Cette pratique entraîne des coûts de gestion parfois importants.

·         Il faudrait aussi alléger les processus d’établissement des règles de gestion du cycle de vie de l’information. Il paraît qu’on y pense. Depuis plusieurs années, on oblige les ministères et organismes à établir et à tenir à jour, à grands frais, des règles de conservation dont près 80% sont similaires.

·         Pour faciliter l’accès à l’information, un site unique devrait être mis en place : actuellement, le citoyen doit d’abord identifier l’organisme responsable de l’information avant d’accéder à celle-ci. Naviguer dans une toile où il n’est même pas évident de retrouver la liste de classement (plan de classification) souvent cachée dans un dédale de pages Web.

Le numérique est présent dans nos vies. Lorsqu’on navigue sur les sites Web gouvernementaux, on a l’impression qu’il ne sont pas mis à profit pour assurer la transparence administrative et faciliter notre recherche d’informations que l’État devrait mettre à notre disposition. Je sais que tout cela est complexe. Il faudra bien un jour donner un coup de barre, sortir des sentiers battus, susciter la concertation, imposer des manières de faire.

À quoi sert de disposer d’ordinateurs, de téléphones intelligents, de tablettes de lecture de plus en plus performante, de liens internet haute vitesse si, au bout de la ligne, l’information n’est pas disponible? De plus en plus de citoyens possèdent les moyens technologiques pour communiquer : les réservoirs d’informations numériques tardent à se remplir.

Serions-nous en train de manquer le bateau?

Michel Roberge

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