Les documents technologiques sont les documents qui font appel aux technologies de l’information. Entrent dans cette catégorie les documents stockés sur des cédéroms-R et des dévédé-R : des disques inscriptibles et non modifiables pour en assurer l’intégrité et la valeur juridique. Mais qu’en est-il de la pérennité de ces documents, particulièrement ceux qui ont une longue durée de vie utile ou qui doivent être conservés en permanence comme documents d’archives ?
On est tous d’accord pour reconnaître que les informations gravées sur des stèles il y a plusieurs milliers d’années ou inscrites sur des supports antérieurs à l’utilisation généralisée du papier seront toujours consultables par les futures générations. À condition bien sûr qu’on en assure la protection physique. On ne peut probablement pas en dire autant pour l’information fixée au cours des dernières décennies sur du papier dont la qualité s’amenuise, au moyen d’encres de bas de gamme ou de poudre d’encre plus ou moins permanente. Par contre, si on en croit un article paru en 2008 dans la revue québécoise Direction informatique, les informations « brûlées » sur des cédéroms-R ou des dévédés-R risquent de disparaître comme par magie dans des délais trop courts.
Et cette réalité semble être connue depuis 2006 : un physicien d'IBM, spécialisé en stockage de données, Kurt Gerecke, a démontré que les cédéroms-R n'avaient une durée de vie que de 2 à 5 ans. Ce constat ne prenait pas en compte la qualité des disques, leurs marques, les méthodes d'enregistrement, la température et l'éclairage dans les lieux de conservation, leur manipulation et les modes de stockage. En tenant compte de ces paramètres, des organisations telles que Bibliothèque et Archives Canada ou l’Optical Storage Technology Association ont affirmé que cette durée de vie pourrait potentiellement osciller entre 5 et 200 ans, voire même entre... 50 et 200 ans. Et pour remettre de l’huile sur le feu, l’encyclopédie Wikipedia avait déjà attribué aux dévédés-R une durée de vie variant entre 3 et 25 ans. Cette information a toutefois été retirée de ses pages. Comme on peut le constater, on marche sur des œufs!
J’ai souvent l’occasion de soulever cette problématique de la fragilité de la nouvelle mémoire en plastique de l’humanité dans des activités de formation et de perfectionnement que je dirige. Et je partage aussi l’opinion de Franck Laloë, Directeur de recherche au CNRS, qui déclarait dans le magazine Pour la science : « Jamais, dans son histoire, l'humanité n'a utilisé des techniques aussi instables pour conserver et transmettre l'information aux générations futures. […] pour une raison mystérieuse, il semble exister une espèce de tabou qui fait que la gravité du problème est passée sous silence. » Et dire qu’on s’apprête à stocker encore davantage d’information sur des Blu-ray.
La mise en place de programmes périodiques de migration des supports technologiques est plus que jamais requise dans les organisations qui souhaitent préserver leur mémoire corporative!
Michel Roberge
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