26 févr. 2010

232 – Quelques légendes urbaines en matière d’établissement de schémas de classification hiérarchiques pour les documents administratifs

Il y a quelques années, lors de la rédaction du plan d’affaires de mon entreprise, un consultant accompagnateur avait énoncé, après de nombreuses recherches, qu’au Québec, dans le métier que je pratique depuis près de 35 ans, il n’y a aucun contrôle à l’entrée. Autrement dit, n’importe qui peut se déclarer spécialiste archiviste ou de la gestion documentaire. Soit en l’affirmant, soit en adhérant à regroupement professionnel. L’idée ne m’avait jamais effleuré et, depuis ce moment, elle m’apparaît un constat assez juste. Je ne dis pas que la majorité des intervenants dans le domaine ne sont pas compétents. Bien au contraire, car ces compétences, parfois limitées à une expérience plus ou moins variée dans le cours d’une vie professionnelle, se sont généralement développées au rythme des essais erreurs sur le terrain. Je suis moi-même une belle illustration de ces acquis par la pratique puisqu’en dans les années 70, il n’y avait aucun programme complet de formation et très peu de réalisations concrètes. J’ai eu la chance de pouvoir être confronté à des centaines de situations parfois similaires, parfois fort différentes en agissant comme consultant auprès d’organisations variées tant des services publics que des entreprises privées.

Je vous impose cette longue introduction pour mettre en évidence que de nos jours, il se véhicule ou se publie parfois, par des théoriciens ou des théoriciennes qui ont eu peu ou pas de contacts avec la réalité, des faussetés, des idées reçues, voire des légendes urbaines cautionnées par des organisations officielles. Et parfois, le jupon dépasse : les principes énoncés ne se vérifient pas toujours dans les illustrations qui viennent appuyer la démarche proposée. Voici quatre exemples relevés récemment dans le cadre d’une veille sur Internet relatifs à la conception et au développement d’un schéma de classification hiérarchique pour les documents administratifs :

1. On peut produire un calendrier de conservation avant d’établir le schéma de classification hiérarchique des documents administratifs. Et si on fait l’inverse, c’est sous la pression du besoin urgent exprimé par les unités administratives.
FAUX : il faut d’abord construire l’arbre de classification et, par la suite, y intégrer les règles de conservation branche par branche. Le schéma de classification est la pierre d’assise d’un système de gestion intégrée des documents (GID).

2. Parce qu'il faut gérer des documents numériques, on doit composer avec des contraintes dans l’établissement du schéma de classification hiérarchique quant au nombre maximum de niveaux à définir.
FAUX : un schéma de classification des documents administratifs doit être développé naturellement afin de hiérarchiser l’ensemble des fonctions et activités d’une organisation. Ces contraintes s’appuient sur la méthode archaïque de gestion des fichiers informatiques dans des arborescences de répertoires qui impose une limite maximum de 256 caractères pour nommer la chaîne de répertoires jusqu’au nom précis de chacun des fichiers. Avec les moyens dont on dispose aujourd’hui, la gestion intégrée des documents à la fois en format papier et technologiques permet d’intégrer un schéma de classification hiérarchique qui répond aux exigences de constitution de dossiers précis.

3. Pour établir un schéma de classification, il faut procéder à l’inventaire des dossiers afin de répertorier tous les documents de l’organisme.
FAUX : je ne comprends toujours pas comment, en 2010, on fait une telle affirmation en suggérant de consacrer des semaines et des mois à faire la collecte des titres, des descriptions et des localisations de chaque document. Dans une organisation où il n’y a pas de système organisationnel de gestion documentaire, dont les pratiques de gestion des documents sont individuelles et non unifiées, l’inventaire des documents ne fait que nous fournir, après des efforts souvent hors proportion, un portrait de la désorganisation documentaire. L’expertise en matière de conception (principes directeurs et modélisation) est davantage porteuse de résultats dans des délais plus courts.

4. Le format de codes de classification idéal est 9999.99.99.
FAUX : le meilleur système de codification associé à un schéma de classification est celui qui est établi à partir d’une analyse des caractéristiques de l’arborescence développée. Sinon, l’architecte documentaire se voit imposer des contraintes par le format du code et s’oblige à aplatir sa structure ou à la tronquer, ce qui va à l’encontre des principes d’élaboration des hiérarchies classificatoires.

Ces affirmations m’amènent à conclure que face à une situation complexe – et le développement d’un schéma de classification hiérarchique pour les documents administratifs en est particulièrement une – , il y a toujours quelqu’un prêt à apporter une solution simple, sinon simpliste, claire et parfois fausse.

Michel Roberge

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