18 août 2010

294 - Les avatars technologiques des archives personnelles d’un écrivain

Voici un bel exemple des problèmes potentiels relatifs à la pérennité des documents d’archives et du filtre de l’information imposée par les technologies de l’information (TI).

L’écrivain Salman Rushdie a récemment cédé ses archives personnelles à l’Emory University d’Atlanta. Le problème comme le relatent Pierre Assouline dans son blogue du journal Le Monde et Patricia Cohen dans le New York Times, c’est qu’une bonne partie des 18 gigaoctets de fichiers informatiques ne sont pas lisibles ce qui pose un dilemme archivistique important : « soit sauvegarder ces archives de manière fragmentaire au risque de faire disparaître l’unité de leur présentation d’origine, soit la conserver et recréer son univers électronique au risque de rater la sauvegarde ». Parce que l’écrivain a déjà déclaré que « l’écriture sur écran a modifié sa manière et son style », les archivistes de l’université « ont opté pour la deuxième solution, convaincus que l’organisation du travail d’un écrivain, la composition de ses écrits dans leur ordre et leur disposition même, l’inventaire des sites qu’il a consultés pendant qu’il préparait son roman, sont aussi importants que le contenu ».

Ce fait divers n’est pas sans me rappeler ce commentaire de Jean-Claude Carrière dans N’espérez pas vous débarrasser des livres (Paris : Grasset, 2009. – pp. 123-124) : « Ce qui me manque, avec l’usage de l’ordinateur, ce sont les brouillons. […] Il me manque ces ratures, ces mots jetés en marge, ce premier désordre, ces flèches qui partent dans tous les sens et qui sont une marque de vie, de mouvement, de recherche encore confuse. Et autre chose : la vision d’ensemble ».

La question de la qualité et de la fiabilité des archives dont on dispose peut être légitimement soulevée à partir de cette réflexion de Jean-Claude Carrière (même source, p. 73) : « La mémoire est une question de choix, de préférences, de mises à l’écart, d’omissions volontaires et involontaires… Je suis historien de formation et je sais à quel point nous devons nous méfier des documents censés nous livrer la connaissance exacte des événements du temps passé ».

Michel Roberge

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