23 août 2010

296 – L’omniprésence du papier dans les cours de justice du Québec

La semaine dernière, j’ai assisté à une représentation sur sentence, au Palais de justice de Québec, dans la cause du décès de ma nièce tuée dans un accident de la route par un chauffard ivre en 2008. Pendant les deux journées au cours desquelles procureur de la Couronne et avocat de la défense ont fait leurs représentations et énoncé leurs plaidoiries, je n’ai pu faire autrement qu’observer leur environnement de travail. J’ai pu constater que le papier est le seul support d’information utilisé par les protagonistes : imposants cahiers de jurisprudence et divers autres documents (notes personnelles, documents de référence, textes ou notes de plaidoirie…) de chacun des avocats et autres documents du juge. Le tout en trois exemplaires : un pour le procureur de la Couronne, un pour l’avocat de la défense et un pour le juge. Quant à la greffière, elle a devant elle son écran d’ordinateur qui lui sert à enregistrer le dépôt des documents et à consulter certaines informations relatives au déroulement des activités. Son rôle consistant aussi à transmettre au jour, de main à main, les documents déposés par les avocats.

Deux jours au cours desquels il m’a semblé quasi impensable que le tout puisse se dérouler dans un environnement sans papier. Non-pas d’un point de vue juridique puisque la Loi concertant le cadre juridique des technologies de l’information le permet. Mais d’un point de vue fonctionnel. Tous au cours de l’analyse de la jurisprudence, le juge n’a cessé d’annoter les pages citées en plus de prendre un très grand nombre de notes personnelles sur tous les autres documents qui lui étaient présentés et sur les témoignages et les réponses à ses questions. Et, comme l’avocat de la défense avait de la difficulté à lire les documents en format papier (problème de vision), celui-ci aurait eu du mal à consulter un écran d’autant plus que lui-même et le procureur de la Couronne doivent se lever pour s’adresser au juge. Il est évident que l’ergonomie actuelle du numérique rend quasi impossible le déroulement fluide de tels échanges.

On peut vraiment s’interroger à savoir si les environnements 100 % numériques sont des vues de l’esprit théoriques dans le contexte de l’utilisation des documents dans le feu de l'action. Je serais curieux d’assister aux fameux conseils municipaux sans papier pour vérifier si les élus ne retournent pas sur support traditionnel bon nombre de documents qui leur ont été transmis sous forme technologique. Cette façon de faire facilite certainement le stockage et la distribution de l’information, mais elle n’est peut-être pas le meilleur moyen d’utilisation des documents. Juge et avocats consultaient simultanément plusieurs pièces sur leurs bureaux respectifs en plus de prendre régulièrement des notes. À ma connaissance, aucune technologie ne leur aurait été de grand secours, sans compter les possibles déficiences imprévisibles.

À la fin de la deuxième journée d’audience, juge et avocats ont consulté leurs agendas sur papier pour fixer la date et l’heure du dépôt de la sentence.

Post scriptum : Pour constater tous les dommages qui peuvent être causés par une conduite criminelle d’un véhicule automobile en état d’ébriété avancée (alcool ou stupéfiants), je vous invite à prendre connaissance de la lettre que ma sœur adressée au juge lors de cette audience. Après sa lecture, si vous considérez que cela peut faire œuvre de sensibilisation, je vous invite à transmettre ce lien à votre entourage (famille, amis, collègues).

Michel Roberge

Aucun commentaire: