L’International Stardard Organisation (ISO) publie en anglais des normes relatives au « Records Management » (RM). En 2001, la 15489 Records Management et plus récemment, les projets de normes 30300 les 30301 Information and documentation - Management system for records - Fundamentals and vocabulary, et Requirements. Dans ces deux deniers cas, l’Association française de normalisation (AFNOR) procède à leur traduction en français. Les projets déposés pour commentaires soulèvent des discussions sur les forums du métier (Archives et ADBS) : quelle expression francophone devrait-on utiliser pour désigner le RM?
Le concept de RM est né aux États-Unis en 1947. Il a été élaboré pour désigner la phase de gestion des documents au moment où ils sont utiles à des fins administratives, financières, juridiques et opérationnelles. Ces documents dont une infime portion (5 à 10 % en moyenne) pourront devenir, selon cycle de vie et leur sort final approuvé, des documents d’archives de conservation permanente. Ainsi, le terme « Records » servait à identifier les documents administratifs, de gouvernance. Ceux sur lesquels doit compter un organisme public ou une organisation du secteur privé pour réaliser sa mission et assurer sa gestion interne. Et par extension, comme les documents ont un sens par les liens qui existent entre eux, « Records » fait aussi référence à la notion de dossier : ensemble de documents relatifs à une activité, à une affaire, à une relation avec une autre organisation ou avec une personne (employé, client, citoyen…). Jamais, le mot « Records » n’a été employé dans ce métier pour désigner des « enregistrements » comme certains de nos collègues français le suggèrent.
Parce que depuis plusieurs années la forme physique des documents a grandement évolué, il semble qu’on est à la recherche de dénominations qui nous éloignent du vrai sens de la fonction RM. L’AFNOR propose de traduire « Records » par « information et documents », expression avec laquelle j'ai beaucoup de difficultés. Un document se définit par de l'information portée par un support (pas de support d'information, pas de document) et un dossier est un ensemble de documents. Associer au mot « Records » à « information et document », c'est faire référence à un premier objet intangible, l'information et un deuxième réel, le document. Gérer de l'information, c'est une activité virtuelle, gérer des documents et des dossiers, c'est une activité réelle. On n'a qu'à assister à des procès ou à suivre les travaux de commissions d'enquête, par exemple, pour constater que le document a primauté sur l'information (témoignage).
Il ne faut pas confondre la fonction globale VS ses composantes. Gérer des documents, c’est en faire l’inventaire, les identifier, les décrire, les indexer, les classer et en enregistrer l’existence et la localisation afin de les repérer et de les utiliser au moment opportun. C’est aussi en assurer la gestion du cycle de vie : durée de conservation et sort final officiellement évalué, approuvé et appliqué. Quand, par exemple, on fait intervenir la notion d’information (ou de gestion de l’information), on fait référence à une des composantes d’un système de RM : l’exploitation du contenu, une réalité et une nécessité pour l’accès aux documents technologiques (électroniques, numériques…). Concrètement, de l’information, ça ne se gère pas : on la recherche, on la consulte et on l’utilise. Ce qui se gère, ce sont les documents et, par extension, les dossiers.
Jusqu’à tout récemment, j’ai toujours considéré que l’expression « Gestion des documents administratifs » décrivait très bien en français le RM, par opposition à la « Gestion des documents d’archives de conservation permanente » pour désigner ce qu’on appelle à tort les « Archives historiques ». Je me suis rallié rapidement à l’expression « Gestion intégrée des documents (GID) » proposée par des groupes de travail du gouvernement du Québec. Je considère qu’elle met bien en évidence que l’effort doit porter autant sur les documents et les dossiers en format papier que ceux qui se présentent sous différentes formes technologiques.
En tout cas, continuer de parler de la « Gestion des enregistrements » pour désigner le RM, c’est complètement absurde. Ça me rappelle un certain congrès de l’ACFAS au début des années 80. Un conférencier anglophone qui traitait du RM avait vu son discours traduit simultanément par la « Gestion des disques ». L’éclat de rire de l’assistance, au grand étonnement du conférencier, illustrait bien le ridicule de la situation.
Vous excuserez la longueur excessive de ce billet. Ces discussions me désolent : ce métier ne réussit pas à se définir simplement pour s’imposer dans les organisations. Les interférences des spécialistes des TI et des fournisseurs de toutes sortes de technologies dites de RM y sont en grande partie responsables. À moins que les gens du métier se laissent distraire. Pour ma part, c’est un constat depuis plus de 35 ans. Verrons-nous un jour la lumière au bout du tunnel?
Michel Roberge
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