Conserver pour se protéger
Lorsqu’on m’a appris les rudiments de mon métier, dans les années 70 et, par la suite, dans une certaine littérature archivistique des années 80, le « calendrier de conservation » que les collègues européens nomment « tableau de gestion » était présenté comme un outil dont l’objectif était de préserver les documents d’archives dits « historiques » de conservation permanente. Plus encore, il était qualifié de pierre d’assise ou de pierre angulaire, je ne me rappelle pas de l’expression exacte, d’un système de gestion documentaire.
Avec les années, dans un contexte de relations avec des clients dont la préoccupation managériale l’emporte très largement sur la préservation des « archives historiques », j’ai rapidement constaté qu’un tel positionnement de cet outil indispensable de gestion des documents d’activité trouvait rarement d’oreilles attentives au message véhiculé.
Car à bien y penser, le souci premier des dirigeants et des gestionnaires d’une organisation est de s’assurer de la qualité des produits et des services rendus, de protéger le patrimoine ainsi que ses droits juridiques et financiers, ceux de son personnel et ceux de ses clients. Ils et elles ont aussi le devoir de rendre compte de leur gestion interne par rapport à un environnement légal, réglementaire, voire normatif national et international.
Pour ce faire, l’organisation doit pouvoir compter sur la disponibilité constante (l’exploitabilité) de documents et de dossiers témoin des activités réalisées, en cours et à venir. Autrement dit, s’assurer que l’ensemble du personnel, tout niveau hiérarchique confondu, à partir de règles d’accès, puisse repérer l’information utile à la prise de décision ou à la prestation de service. La bonne information, l’information la plus complète, peu importe le support sur lequel elle est consignée. L’information utile qu’on retrouve dans les documents dits « actifs » ou « courants », et ce, tant qu’elle est utile.
D’où la notion de durée de conservation. Conserver toute l’information utile d’un point de vue de management, mais aussi en fonction de sa valeur légale afin de défendre ses droits et de sa valeur économique comme preuve des transactions financières et d’une gestion transparente des opérations au quotidien.
Il va sans dire que si le sort final des documents, une fois la période d’utilité pour le management terminée, est la conservation permanente, la protection estimée par la garde de ces documents est aussi garantie.
En conclusion, on comprend ici la nécessité d’un des aspects de la gestion efficace du cycle de vie des documents comme outil technique de gestion des risques : s’assurer de durée adéquate de conservation des documents, particulièrement ceux qui ont une portée décisionnelle, juridique et financière dans un souci, entre autres, de protection des droits et d’un sain management de l’entreprise.
Prochain billet : Détruire et se protéger
Michel Roberge
2 commentaires:
Un contact sur LinkedIn a écrit :
Gestion du cycle de vie des documents ou du cycle de vie de l'information? Selon mes constats en entreprise, surtout lorsque l'on parle de documents ou d'information en format électronique, la distinction entre ces deux notions n'est définitivement pas claire pour tous. De plus, les gens "plus techniques" qui interviennent dans ce secteur, notamment au niveau des durées de rétention, semblent avoir une vision encore moins claire entre les notions de "données", de "fichiers" et "d'information". Mélanger ces trois notions très distinctes et fondamentales, ou pire encore, les considérer comme étant synonymes, augmentent considérablement le risque de gestion mis en référence dans ce billet.
Expert en gouvernance documentaire a dit...
Tout à fait d'accord. D'ailleurs au Québec, depuis 2001, d'un point de vue juridique, un document se définit comme étant de l'information « portée par un support » (Loi concernant le cadre juridique des TI) et que les « documents technologiques » sont « les documents faisant appel aux technologies de l'information ». De plus, « est assimillée au document toute banque de données dont les éléments structurants permettent la création de documents par la délimitation et la structuration de l'information qui y est inscrite ». Considérant ces énoncés, les risques liés à la non-préservation des documents technologiques (et ceux, bien sûr, en format papier) sont souvent mal évalués.
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