Lu
aussi dans La rue des voleurs, un roman
bouleversant qui raconte quelques années de la vie d’un jeune marocain sans
avenir, amoureux des livres et de l’écrit anumé par un désir d’affirmation d’un
humanisme arabe (Mathias Énard. – Actes Sud / Leméac, 2012).
« Un jour, mon zèle m’a valu un cadeau
empoisonné: en arrivant un matin, M. Bourrelier m'a convoqué dans son bureau. Il
était joyeux, il rigolait comme un enfant, je viens d'avoir une excellente nouvelle,
il m'a dit. Une magnifique nouvelle. Une très grosse commande du ministère des
Anciens Combattants. Il s'agit de la numérisation des fiches individuelles des
combattants de la Première Guerre mondiale. C'est un très gros contrat. Nous
avons répondu à l'appel d'offres, et nous avons été retenus. Ce sont des fiches
manuscrites, impossibles à traiter automatiquement, il va falloir les saisir à la
main. On commence par les morts.
- Ils ne sont pas encore tous morts? j'ai dit naïvement.
- Si si, bien sûr qu'ils sont tous morts, il n'y a plus
de combattant de la Première Guerre mondiale français vivant. Je veux dire
qu'on va commencer par les "Morts pour la France", qui sont un lot de
fiches à part.
- Et combien il y en a?
- Un million trois cent mille fiches, au total. Après il restera
les blessés et ceux qui s'en sont tirés, ce sera plus gai. » (p. 97)
Aucun commentaire:
Publier un commentaire