Dans son appel de candidature pour l’embauche d’un nouveau professeur au département d’histoire de l’Université Laval de Québec pour l’enseignement en archivistique, l’institution définit ainsi le « Records Management » : « évaluation, accumulation, organisation, traitement, description, maintenance technologique, préservation et conservation des documents dans les dépôts d’archives ». Cette nouvelle définition s’inscrit dans la description des qualifications recherchées entre le « Document Management : relations avec les auteurs des documents et conception des systèmes encadrant leur production, classification, description (métadonnées), contrôle de l’accès et intégration des formes analogiques et numériques » et la fonction « Exploitation et mise en valeur des archives : diffusion, référence, valorisation, expositions, activités culturelles, numérisation d’archives, etc. » (ici, soit dit en passant, on ne sait trop de quelles « archives » il est question, mais on devine que ce sont les documents d’archives de conservation permanente).
J’en perds mon latin! Car je suis de la génération qui a étudié cette langue ancienne qui m’incite, avec le grec, à utiliser le mot juste. Si on se fie à ces définitions qui semblent émerger d’un souci de faire original par rapport à la réalité connue, au Québec d’une part, et dans le monde anglo-saxon, le « Records Management » engloberait maintenant la gestion des documents dans les « dépôts d’archives ». Il n’y a pas beaucoup de « dépôts d’archives » dans les entreprises, dans les ministères et les organismes gouvernementaux! Il s’agit là d’une terminologie du secteur public consacrée au centre de responsabilité de conservation et de préservation des documents devenus inactifs d’un point de vue administratif mais de conservation permanente. Si on adhère à ce raisonnement, l’autorité archivistique québécoise qu’est Bibliothèque et Archives nationales du Québec devrait-elle être renommée Bibliothèque et Records Management Québec!
C’est le monde à l’envers. Avec aussi une définition qui me semble tout à fait erronée du « Document Management ». Celle de Wikipedia, avec laquelle je suis pleinement d’accord, correspond davantage au concept : « A document management system (DMS) is a computer system (or set of computer programs) used to track and store electronic documents and/or images of paper documents. The term has some overlap with the concepts of content management systems. It is often viewed as a component of enterprise content management (ECM) systems and related to digital asset management, document imaging, workflow systems and records management systems. »
Rappelons-nous deuxdéfinitions énoncées dans ISO 15489 : 2001 qui situent la fonction au cœur de la gouvernance des organisations et qui ne font référence, dans aucun cas, aux « archives historiques » :
Records Management : « the field of management responsible for the efficient and systematic control of the creation, receipt, maintenance, use and disposition of records, including the processes for capturing and maintaining evidence of and information about business activities and transactions in the form of records ».
Records : « information [« document » serait plus approprié] created, received, and maintained as evidence and information by an organization or person, in pursuance of legal obligations or in the transaction of business ».
J’en viens à penser que si les personnes qui décrivent ainsi le métier étaient des praticiens, des gens de terrain, la transmission des connaissances, du savoir-faire et du savoir être s’appuierait sur des expertises variées et concrètes et les nouvelles théories « personnelles » n’auraient aucune justification. Quand on a la responsabilité de former de futurs intervenants dans la gestion intégrée des documents en format papier et technologiques, on a le devoir de bien camper les concepts tout en s’adaptant à l’évolution des moyens technologiques actuels et futurs qui s’offrent à nous. Et ces moyens technologiques ne doivent surtout pas nous écarter des fondements du métier qui consiste dans un premier temps, d’organiser et de rendre accessibles les documents produits, reçus et expédiés, peu importe les supports, dans un contexte de gouvernance (« Records Management ». Puis, par la gestion de leur cycle de vie, d’assurer la destruction de ceux qui devenus inactifs d’un point de vue de gestion interne ou des domaines d’affaires, doivent être détruits et la préservation de ceux qui doivent être conservés en permanence à cause de leur valeur archivistique, historique ou patrimoniale (préservation des documents d’archives de conservation permanente, conséquence du processus de systématisation).
À la fin des années 80, j’avais réformé le programme de Certificat de premier cycle en gestion des documents administratifs et des archives (le titre était très éloquent comme l’est d’ailleurs celui du programme actuel de l’Université Laval – Certificat en gestion des documents et des archives – qui marque bien la distinction entre les deux volets du métier jusqu’à ce qu’il soit renommé Certificat en Records Management!) sur la base de ces prémisses et les étudiants dont un grand nombre provenait du marché du travail d’alors y trouvaient leur compte.
Oeuvrant depuis 25 ans dans la fonction-conseil aux organisations, c’est le discours que je continue d’utiliser dans mes démarches et mes relations avec mes clients : c’est simple, tous comprennent et s’y retrouvent dans leurs préoccupations de gestionnaire des ressources informationnelles de plus en plus variées. Alors, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple?
Michel Roberge
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