11 juill. 2011

453 – Le plan de classification : la clé d’accès aux documents gouvernementaux ? (2)

Il y a des montées de lait qui sont suivies d’un apaisement doucereux. En voici une en réaction à un commentaire reçu à propos de mon Billet 439.

Il est vrai que les « plans de classement ont été initialement institués pour permettre aux organisations de gérer les documents À L'INTERNE » et qu’il s’agit d’une des composantes essentielles, la pierre d’assise, d’un système de gestion des documents administratifs (documents d’activité) – Records Management. Cependant, il est faux de déclarer que « descendre trop loin dans l'arborescence est contre-productif compte tenu de la charge que représente une mise à jour trop fréquente du plan ». Une telle affirmation traduit un manque de vision que malheureusement plusieurs intervenants du métier affichent.

En fait, on ici touche le cœur du sujet. Depuis plusieurs années, les professionnels du métier ont abdiqué face à la construction de structures classificatoires complètes et de qualité supérieure, se rabattant sur des solutions purement technologiques. Ce que n’ont pas fait nos collègues de la bibliothéconomie. Encore de nos jours, les schémas de classification utilisés dans les organisations sont un amalgame d’éléments énoncés sur la base de principes directeurs douteux : mélange généralement de types de document, de noms d’objets de gestion, de titres de dossiers ou de document et d’identification d’activités ou de processus.

Pourtant, depuis 10 ans, la norme ISO 15489 est très claire sur le sujet et on aurait dû la considérer. Il y est clairement question [15489-1 :2001(F) 8.4 b ] d’ « identifier et documenter toutes les fonctions, activités et opérations et les hiérarchiser dans un plan de classement des activités; identifier et documenter le déroulement des processus et les opérations dont ils font partie ». Voilà tout est dit dans une trentaine de mots précis qui ne peuvent déclencher une controverse et des discussions interminables sur le sent à leur donner! Et comme cette norme existe, j’espère qu’on s’y réfère de temps en temps même si sa facture (lire son écriture et les nombreuses redondances) laisse passablement à désirer.

Toutefois, même si la norme annonce les principes directeurs sur lesquels il faut s’appuyer pour la conception et le développement de schémas de classification hiérarchique de qualité supérieure, l’exemple qui accompagne la théorie [expliquée dans le détail à l’article 4.2.2.2 de 15489-2 :2011(F)] est une belle illustration de ce qu’il ne faut pas faire. Espérons que les correctifs seront apportés lors de la révision annoncée de la norme.

Si les schémas de classification sont déficients pour une utilisation interne avec les conséquences qu’on peut anticiper sur la gestion du cycle de vie des dossiers et des documents, je suis tout à fait d’accord pour affirmer qu’ils sont inadéquats comme « portes d'entrée pour l'accès aux documents publics ».

Dans une organisation, quelle que soit sa localisation sur la planète, ce sont les activités menées au quotidien qui génèrent des documents en format papier ou technologiques. Ceux-ci, mis en relation les uns avec les autres, constituent des dossiers et il n’est pas nécessaire d’écrire une thèse universitaire pour définir ce qu’est un dossier et de constater qu’il fait partie d’une série de dossiers de la même famille : ensemble de documents relatifs à une activité (une action sur un objet) ou à un objet de gestion.

Si le schéma de classification représente la hiérarchisation et la répartition logique (tenant compte de l’ordonnancement des processus et du déroulement des activités) de toutes fonctions et de toutes activités qui en découlent, tant pour le domaine de la gestion interne que pour les domaines d’affaires issus de la mission de l’organisme, il est d’abord un outil de gestion interne efficace.

Tout « citoyen lambda » est alors en mesure de déduire, par l’énoncé des activités et des objets de gestion qui lui sont présentés l’existence potentielle de « l'information qu'il cherche » et le schéma de classification devient un instrument d’accès aux documents des services publics. Car on ne peut repérer le bon document recherché que par sa mise en contexte.

Si certains professionnels du métier persistent à abdiquer dans la construction de structures classificatoires de qualité, ce n’est pas mon cas. J’ai consacré plus de 35 ans à réfléchir sur ce sujet et à constater l'étendu des dégâts sur le terrain et plusieurs mois pour coucher sur papier et en format électronique le fruit de cette réflexion. Pratiquer ce métier, c’est plus que pérorer : il faut mettre ses bottes de travail, relever ses manches, bosser, voire patauger dans le magma organisationnel, en se rappelant que les solutions technologiques ne viennent qu’appuyer l’intelligence humaine, la seule qui puisse analyser et concrétiser. Tout en se rappelant que la clé du succès en gestion documentaire est la combinaison entre des outils techniques et technologiques de haute qualité et une gouvernance documentaire efficace et efficiente.

Michel Roberge

Aucun commentaire: