En 1984, j’étais responsable du Service de développement des systèmes aux Archives nationales du Québec (ANQ). L’organisation avait acquis, l’année précédente, un appareil de traitement de textes AES 100P qui permettait de stocker des fichiers sur des disquettes de 8 pouces. C’est d’ailleurs au moyen de cet appareil que fut rédigée la Loi sur les archives du Québec. Les ANQ avaient aussi un Service de microfilmage des documents.
Déjà préoccupé par la diminution du papier comme support d’information (la conclusion de mon premier livre sur La gestion des documents administratifs [1983] avait pour titre « Vers un bureau sans papier »), j’eus l’idée d’intégrer les principes de base d’un système de gestion documentaire aux maigres possibilités qu’offraient les ressources technologiques alors disponibles. Aussi, avec l’appui du Conservateur de l’époque, monsieur Robert Garon, et celui de ma secrétaire, Claudette Corriveau, j’ai imaginé, sans le savoir, le premier système québécois de gestion intégrée des documents (GID).
Tous les documents produits qui ne contenaient pas de signature étaient enregistrés sur des disquettes identifiées simplement par un numéro séquentiel : DS-01, DS-02… Les documents reçus en format papier ou imprimés et signés étaient microfilmés et disponibles sous forme d’images sur des microfiches identifiées, elles aussi, par un numéro séquentiel : MF-01, MF02…
Les noms uniques des fichiers électroniques étaient composés de l’identifiant de la disquette et d’un numéro séquentiel par disquette : DS-02/01, DS-02/02… Quant aux images sur les microfiches, elles étaient toutes identifiées par un numéro de séquence de 1 à X par microfiche. Ainsi, la première page d’un document possédait une localisation unique : un numéro de microfiche et un numéro d’image : MF-03/36.
J’avais développé un schéma sectoriel de classification des documents (les ANQ ne possédant pas, à l’époque, de schéma institutionnel) que nous appliquions à l’ensemble des documents de mon service.
Les premiers systèmes de traitement de textes permettaient aussi de créer et de trier des listes sous forme de tableaux linéaires (un peu à la manière d’Excel aujourd’hui). Une disquette « index » était donc réservée pour la gestion de ce tableau. On y retrouvait le schéma de classification : une colonne pour le code et une autre pour le titre de chaque rubrique. Chaque dossier y était enregistré lors de sa création (code de classification, numéro du dossier, titre spécifique du dossier).
Tous les documents électroniques et microfilmés y étaient indexés : code de classification, numéro du dossier, date, auteur, destinataire, description sommaire, localisation (no disquette/no document ou no microfiche/no image de la première page). Le tout était trié à la fois par ordre de code de classification et par date. Résultat, cette liste décrivait le contenu détaillé de chaque dossier avec localisation de chacun des documents sur disquette ou sur microfiche.
Et ça fonctionnait avec des ressources technologiques des plus rudimentaires. Ma secrétaire était aux petits oiseaux : aucune chemise de classement à ouvrir et aucun papier à classer. L’ensemble des documents du service étaient conservés dans deux boîtiers sur le coin de son bureau. Les documents électroniques pouvaient être consultés à partir de l’appareil de traitement de textes alors que ceux qui étaient microfilmés pouvaient être lus au moyen d’une visionneuse de microfiches.
Les résultats de cette expérience furent présentés au congrès 1984 de l’Association des archives du Québec (AAQ) dans un diaporama (à l’époque PowerPoint n’avait même pas encore été imaginé) intitulé « Un bureau sans papier, un jeu d’enfant » que j’avais réalisé avec ma fille [gestionnaire âgée 5 ans] et mon garçon [son secrétaire de 3 ½ ans]. Il n’y manquait que des règles de conservation.
Sans le savoir, j’avais mis au point les fondements de ce qu’on appelle aujourd’hui un « Système de gestion intégrée des documents (GID) » qui, au moyen de moyens technologiques puissants, permet de gérer des dossiers hybrides (composés de documents en format papier, voire microfilmés et de documents technologiques).
Michel Roberge
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