Détruire et se protéger
Tous les documents d’activité ont une durée de vie utile pour le management d’une organisation. Cette période au cours de laquelle ils doivent être conservés peut varier : elle peut être très courte, moyennement longue, très longue voir permanente (et je ne parle pas ici des documents inactifs dont la valeur archivistique, historique ou patrimoniale en fait des documents d’archives de conservation permanente).
Lorsqu’ils perdent leur valeur intrinsèque de management en général, financière, légale ou liée aux domaines d’affaires de l’organisation, il est de commun usage de les détruire. Il n’y a pas obligation à éliminer les documents. On le fait régulièrement avec ceux qui sont en format papier pour des raisons de récupération d’espaces de rangement et de coût de conservation dans les bureaux ou dans les sites d’entreposage. On le fait rarement de façon systématique avec les documents technologiques qui ont tendance à s’incruster sous différentes formes et sur une variété de supports internes et externes à l’organisation.
La gestion du cycle de vie des documents a aussi comme objectif de délester les organismes des documents devenus inutiles, obsolètes. De se départir de formats plus statiques remplacés par d'autres, plus dynamiques, avec le transfert de support (numérisation). De supprimer les documents de travail, les brouillons, les multi copies, les exemplaires secondaires voire les versions intérimaires des documents terminés et officiels. L’établissement et, ultérieurement la mise en application d’un « calendrier de conservation » ou d’un « tableau de gestion » reposent sur une prise de conscience organisationnelle de la nécessité ou non de détruire les documents qui ne sont plus pertinents pour la défense des droits de l’organisme, de ceux de son personnel et de ses clients.
Il faut aussi pousser la réflexion sur les impacts à anticiper sur la non-destruction de documents dont l’élimination est prévue et approuvée dans le plan de gestion de leur cycle de vie. Je donne ici un exemple parmi tant d’autres. Par exemple, invoquons le contexte de demandes d’accès à l’information auprès des organismes publics assujettis à une législation favorisant la disponibilité auprès des demandeurs des documents considérés comme accessibles. Si ces requêtes portent sur des documents qui auraient dû être détruits, mais qu’il ne l’on pas été, l’organisation doit les rendre publics. Ce qui, dans certains cas, pourrait la placer dans une situation embarrassante.
Bien d’autres cas pourraient être évoqués. À chacune et à chacun de les investiguer et à faire les bons choix dans un but avoué d’exploitabilité efficace et efficiente des documents qui « documentent » les activités et de gestion des risques inhérents à la vie de l’organisme. Sans oublier de prévoir des mécanismes pour suspendre l’application des modalités de destruction des documents lorsque celui-ci est placé dans un contexte conflictuel et qu’il doit se défendre devant les tribunaux.
Michel Roberge
2 commentaires:
Le risque dont vous parlez a été "théorisé" en 2010 par Marie-Anne Chabin dans Le nouveau glossaire de l'archivage" sous l'expression : risque de surconservation. Il est particulièrement important que les entreprises et les institutions prennent conscience de ce risque qui croit avec le développement de la société contentieuse (e-discovery).
Aussi, permettez-moi d'ajouter deux remarques :
1. les brouillons, exemplaires de travail, multicopies ne devraient jamais être archivés, les organismes ne devraient donc jamais à avoir à s'en délester et les tableaux de tri ne jamais avoir à les "traiter"
2. il est vrai que la destruction n'est pas obligatoire mais cette problématique évolue, par exemple en France ou la destruction des données informatiques à caractère personnel est recommandée voire contrôlée par le CNIL (art. 6 de la loi de 1978).
Expert en gouvernance documentaire a dit...
Tout à fait d'accord avec votre remarque concernant les brouillons, exemplaires de travail...
Quant à la destruction obligatoire, je faisais ici référence au contexte public québécois où la Loi sur les archives ne porte pas obligation à détruire les documents devenus inactifs. Toutefois, dans certains cas, une organisation a intérêt à le faire en toute légalité.
Publier un commentaire