21 nov. 2013

831 - Pour en finir avec l’expression « Records Management » (4/4)

Traduire le « Records Management » par la « Gestion des enregistrements », la « Gestion des documents engageants », voire la « Gestion managériale de l’archivage » est absurde. Je l’affirme sur la base de mes quarante années d’interventions professionnelles sur le terrain dans des centaines d’organisations publiques et privées de toutes tailles. Et comme me l’a suggéré un de mes lecteurs assidus qui affiche un sens de l'humour hors du commun, « À quand le management archivistique de la gestion des archives archivées ? ».

L’Organisation internationale de normalisation a tranché. 26 pays se sont entendus sur une traduction qui a du sens. Encore la semaine dernière je rencontrais le directeur de l’administration et des finances, la directrice des technologies et une secrétaire de direction d’un nouveau client chez qui j’ai le mandat de préparer un plan de gouvernance documentaire. Nous avons parlé de documents d’activité, de schéma de classification des activités génératrice des documents de l’organisme. Jamais les mots « Records Management » ni « Archives, Archivistique, Archivage, Archiviste, Enregistrements, Documents engageants » n’ont été prononcés. Et comme dans toutes les rencontres que j’ai eues avec des clients et même certains fournisseurs de solutions technologiques, l’utilisation de l’expression « Gestion des documents d’activité » arrimait la fonction à la réalité quotidienne du management.

On ne peut accuser les organisations nationales de normalisation de faire fausse route en se ralliant aux choix d’ISO. Je le répète, 26 pays en sont venus à un consensus terminologique. Déjà en 2001, la norme 15480 ciblait les documents « créés, reçus et préservés à titre de preuve et d’information par une personne physique ou morale dans l’exercice de ses obligations légales ou la conduite de son activité ». Même dans la loi française du 3 janvier 1979 vise les documents « quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de leur activité ». Sans oublier le Manuel d'archivistique français (édition 1970) qui associe les documents d'un fonds d'archives d'un « corps administratif » à « son activité » (p. 23).

En conclusion, il me semble important qu’en tant que membres de la Francophonie, nous toutes et tous du métier de spécialistes de la gestion des documents d’activités, nous nous devons d’adopter un vocabulaire unifié en référence avec la normalisation internationale. Et ce afin de nous imposer comme experts dans un domaine du management auprès des organisations qui requièrent nos services. Il faut cesser d’entretenir la confusion des genres et remettre les pendules à l’heure.

La définition de William Benedon, celui que je considère comme le père du « Records Management » avec qui j’ai eu le privilège de dîner (déjeuner), à Montréal, il y a plusieurs années, lors d’un congrès de l’Association des archivistes du Québec et le choix linguistique du sous-comité ISO/TC 46/SC 11 doivent nous guider. La richesse de la langue française doit servir de bouclier contre ceux et celles qui baissent pavillon en proposant l’anglais comme langue commune du métier ou en persistant à se qualifier de « Records Manager ».

Enfin, les « Records Managers » se regroupent au sein d’associations professionnelles internationales anglophones. La Francophonie aurait intérêt, elle aussi, de se doter de structures associatives professionnelles à la fois nationales et internationales afin de rassembler les spécialistes de la gestion des documents d'activité et mettre en commun, dans leur langue, leurs expériences.

Michel Roberge

PS : Ce billet en quatre parties a été rédigé en rafale. Sa forme et son contenu ne peuvent qu'être enrichis par vos commentaires et vos suggestions qu'il me fera plaisir de publier, quelles que soient les idées et les opinions que vous voudrez bien exprimer
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5 commentaires:

Anonyme a dit...

Merci pour ce vivifiant article Michel.
Michel Cottin

Natalie Bissonnette a dit...

Probablement que cette expression sera adoptée par les gestionnaires de l'information/archivistes lorsque les universités et les associations spécialisées en gestion documentaire/archivistique l'adopteront. D'ici là...

jpperrein a dit...

juste bravo Michel !!!

Place à l'action

Antoine Laurent a dit...

"Merci pour ces billets. Je trouve également que le terme retenu est le meilleur scientifiquement parlant pour le Records management. Il colle à la notion, comme M. Roberge le montre. J'ai plus de doutes sur sa diffusion et sa compréhension par nos interlocuteurs des métiers, non spécialistes. J'ai plutôt tendance à adopter leurs mots afin de me faire comprendre et atteindre l'objectif. Quelqu'un l'emploie-t-il régulièrement dans le cadre de son activité de tous les jours ? Quel retour d'expérience en France ? Ça marche avec les clients / producteurs / consommateurs de documents d'activité ?"

Antoine Laurent a dit...

"Ce débat me fait toujours penser à un cours d'histoire médiévale où le prof nous expliquait que certains mots étrangers avaient été incorporés au français quasi sans changement, en fonction des traits particuliers et "impactants" des civilisations. Les mots de l'administration ou de l'agriculture venant des romains et les mots de la guerre venait des populations nordiques ou germaniques. Très peu de mots ayant trait aux activités domestiques sont passés des normands aux français, alors que l'on retrouve beaucoup de mots d'origine viking qui ont trait aux activités des hommes en plein air..."

"Normal : les raids vikings ont été menés par des hommes, qui ont pris des femmes sur place... Chacun ses mots, et c'est resté ainsi. Tout ça pour dire que peut être nous ne laissons pas records management devenir enfin francais. L'histoire du futur nous le dira, je suppose (pourvu que ce message soit archivé en bonne et due forme, afin d'en témoigner ! )"