16 juin 2010

278 – Systèmes d’archives secrètes en Allemagne et en Argentine avant et après la Deuxième Guerre mondiale

Voici comment Bernie Gunther, le héros de Philip Kerr (Une douce flamme. – Paris : Éditions du Masque, 2010. pp. 239-240), décrit le fonctionnement de deux services d’archives politiques secrètes qui détenaient des renseignements personnels sur plusieurs centaines de milliers de personnes.

Berlin, 1935 – « À Berlin, tous les ennemis du IIIe Reich, réels ou supposés, étaient répertoriés dans le Fichier A, installé au siège de la Gestapo, dans Prinz Albrechtstrasse. Ce fichier, encore appelé le Fichier bureautique, était le système d'archivage judiciaire le plus moderne du monde. […] Il comprenait un demi-million de cartes sur des individus que la Gestapo considérait comme méritant d'être tenus à l'œil. Il s'agissait d'une sorte de grande roue, actionnée par un moteur électrique avec un opérateur attitré capable de localiser n'importe quelle carte parmi ce demi-million en moins d'une minute. Fervent adepte du vieil axiome selon lequel le savoir c'est le pouvoir, Heydrich l'avait surnommée sa roue de la fortune. […] En 1935, plus de six cents fonctionnaires travaillaient au seul service des archives de la Gestapo de Berlin. »

Buenos Aires, 1950 – « Il n'existait rien d'aussi perfectionné ni d'aussi conséquent à Buenos Aires, même si le système à la Casa Rosada fonctionnait assez bien. Vingt personnes, réparties en cinq équipes de quatre, se relayaient en permanence. Il y avait des dossiers sur les politiciens de l'opposition, les représentants des syndicats, les communistes, les intellectuels de gauche, les homosexuels et les leaders religieux. Ces dossiers étaient conservés sur des étagères mobiles actionnées par des manettes et catalogués en fonction du nom et du sujet dans une série de registres reliés en cuir appelés los libros marrones. L'accès aux dossiers était régi par un simple dispositif de signature, à moins que le dossier ne fût jugé sensible, auquel cas la consultation des los libros marrones était inscrite en rouge. »

Les romans de Philip Kerr reposent sur des recherches documentaires qui permettent d'intégrer ses personnages fictifs à ceux qui ont fait l'histoire. Une utilisation judicieuse des documents d'archives.

Michel Roberge

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