Pour gérer le cycle de vie des documents administratifs, il faut mettre les bœufs devant la charrue et non l’inverse. C’est une vérité de La Palice. D’abord, il est insensé d’établir des règles de conservation (durée et sort final : à archiver pour une conservation permanente ou à détruire) pour chacun des types de documents qu’une organisation produit, reçoit ou expédie. Sachant que les documents qui ont des liens entre eux constituent des dossiers physiques, technologiques ou le plus souvent hybrides et que ces dossiers existent généralement en séries composées de 1 à x dossiers, c’est pour chacune de ces séries que l’on doit établir le profil de conservation et le sort final à la fin de leur utilité administrative, financière ou juridique.
Pour y arriver de façon méthodique, c’est à partir du schéma de classification hiérarchique des documents administratifs qui représente l’ensemble des séries de dossiers pris en charge par le système de gestion documentaire qu’on peut facilement y arriver. À chaque rubrique de l’arborescence de classification sa règle de conservation (exemplaire principal associé à un détenteur – exemplaires secondaires des autres détenteurs – supports d’information). Si la structure classificatoire est composée de 300 rubriques, on aura autant de règles de conservation dont, il va sans dire, plusieurs semblables pour un certain nombre de séries de dossiers. Une telle approche devient très facilement automatisable : en enregistrant le schéma de classification et les règles de conservation associées dans une solution logicielle de Gestion intégrée des documents (GID), le calcul de la durée de vie et la mention de sort final officiel sont effectués automatiquement lors de l’enregistrement de chacun des dossiers. Les documents composant chaque dossier, élément d’une série de dossiers, qu’ils soient en format papier ou technologiques, héritent des informations de gestion de leur cycle de vie. Le tout est entièrement transparent pour l’ensemble des utilisateurs.
Plutôt que d’exiger qu’on associe document ou dossier à une règle de conservation (ce qui peut se concrétiser par des choix arbitraires individuels) dans un souci d’archivage des documents de conservation permanente, il est préférable de mettre l’accent sur la structuration de l’information portée par tout type de support en constituant d’abord des dossiers pour lesquels le cycle de vie a été initialement planifié, adopté, approuvé et officialisé. Car il ne faut surtout pas oublier que l’objectif d’un système de gestion documentaire (« Records Management » est de « donner accès aux personnes accréditées à toute l’information pertinente portée sur un support ». « Donner accès » à partir d’une structure organisationnelle de dossiers (schéma de classification) à « toute l’information pertinente » grâce à l’application facile des règles de conservation qui assurent la destruction des documents et des dossiers devenus inutiles.
Cette approche qui a fait ses preuves au Québec depuis près de 30ans ans s’inscrit dans une démarche de gestion qui propose d’investir d’abord dans la planification des activités (élaboration du schéma de classification et des règles de conservation), puis dans l’organisation de celles-ci (intégration du schéma est des règles dans une solution logicielle de gestion documentaire) pour en assurer l’administration (application, au moment voulu, du schéma et du calendrier de conservation) et être en mesure d’évaluer et de contrôler les résultats attendus.
Dans le métier, il émerge régulièrement de nouvelles théories et méthodes individuelles parfois qualifiées de révolutionnaires, quelquefois loufoques, par leurs auteurs. L’innovation a sa place si elle améliore des pratiques actuelles non efficientes. Il faut toutefois éviter d’échafauder des modèles de travail illogiques et incontrôlables qui correspondraient à placer la charrue devant les bœufs, au risque de mettre en péril la récolte des bénéfices escomptés.
Michel Roberge
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