Je me permets une suggestion de lecture. Le bref roman (un rouleau à Kerouak d’à peine 64 pages) de Sophie Divry, La cote 400 (Paris : Les allusifs, 2010), une jeune auteure lyonnaise qui nous permet de faire connaissance avec une bibliothécaire singulière et attachante, esseulée dans ses rayons et dans sa vie :
« Une bibliothécaire d'une cinquantaine d'années, après vingt-cinq années à faire ce métier, et en bonne partie dans la cave d'une bibliothèque de province, à ranger des livres sagement alignés dans leur rayon respectif, et qui trouve ce métier terrifiant à maîtriser cette vertigineuse production humaine, fruit de deux milles ans de civilisation. Elle qui ne s'accorde d'autre fantaisie que d'installer une plante verte pour rendre les lieux plus agréables, mais qui pulvérise dans l'explosion de son monologue théâtral l'ordre et «la toute puissance de la rationalité», incarnée par le système de classification de Dewey. Dans son sous-sol, on lui balance tout ce qui ne peut être classé : les numismates, les médailles militaires, la généalogie, la psychanalyse, l'occultisme... Et la cote 400 est vacante depuis qu'on a mis les religions avec l'histoire et ça lui donne le vertige d'imaginer quel domaine du savoir prendra cette place.
Ici, les livres deviennent des êtres de chair ; les personnages de roman, des interlocuteurs avec qui partager nos expériences ; les écrivains, poussés par des envies, par des souffrances, des hommes et des femmes d'abord et avant tout. Ici, le livre est fait pour dialoguer avec son lecteur. Pas fait pour être rangé derrière une vitrine. Pas fait pour entrer dans un quelconque système. Pas fait pour rester là, muet, sans rien à donner et sans déranger personne. Au contraire. »
Si vous avez à cœur la classification, l’ordre, les structures, la hiérarchie, le rationnel. Heureux de constater qu’elle utilise aussi le mot « dévédé » en lieu et place de DVD et, pourquoi pas le « Hipaude » (iPod) prononcé à la française? Dans la même veine, j’ajouterais le « Hipade » (iPad).
Du gâteau ce long monologue parfois hystérique sur le métier de bibliothécaire et sur le rôle sociétal de la bibliothèque. Je regrette de ne pas avoir rencontré l’auteure lors de mon dernier passage à Lyon.
Michel Roberge
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